En juin 1969, Brigitte Bardot tournait dans le Vexin l'un de ses plus jolis films,
L'Ours et la poupée, une comédie délicieuse, sur des dialogues de Nina Companeez et une réalisation de Michel Deville. Alors qu'elle vient de nous quitter à l'âge de 91 ans, se souvenait-elle qu'elle fit du stop un jour pour se rendre sur le tournage ?
Brigitte est alors au sommet de sa gloire, star interplanétaire, au point que Charles de Gaulle a déclaré l'année précédente qu'elle rapportait autant de devises que Renault à la France. lle a aussi défrayé la chronique par ses sautes d'humeur lors des tournages précédents et par ses amours commentées dans la presse à scandale. On dénonce ses caprices de star et autres incartades, et Michel Deville s'inquiète lorsque démarrent les premières prises de vue de L'Ours et la poupée. Toute l'équipe se retrouve à Chérence, dans une ferme où a été établi le quartier général de la production. Les propriétaires sont aux petits soins dès le réveil de Brigitte et ces prévenances la touchent jusqu'aux larmes, au point qu'elle conservera des relations avec eux, bien des semaines plus tard.
Un assistant stagiaire vient la chercher chaque matin. Un jour, il ne s'est pas réveillé. « Brigitte attendait au bord de la route, ennuyée d'être en retard sur le plateau, se souvient Deville. Elle est partie à pied, a fait de l'auto-stop et est arrivée très fâchée. “Michel, ce n'est pas de ma faute, dit-elle, il n'est pas venu !” Je ne connais pas d'autres acteurs qui auraient fait du stop en pleine campagne comme BB, pour être simplement à l'heure. »
Un autre jour, l'équipe tourne dans un champ. Brigitte s'est trompée pour venir, en faisant un grand détour et est arrivée presque en larmes : « Michel, j'étais à l'heure, je le jure… » La Bardot qui avait l'habitude de tout se permettre, ici ne se permettait rien. Il faut dire qu'elle tourne dans une ambiance sereine qui tranche avec ses expériences passées. Michel Deville sait tellement ce qu'il veut, qu'il finit par l'obtenir, dans une atmosphère de calme et de détente.
À Montreuil-sur-Epte, plusieurs centaines de badauds assistent à la scène de la vache : « Are you a girl or a boy ? ». En robe longue, décolletée, la Poupée cherche alors un pont sur la rivière afin de fuir l'implacable destin qui la mène vers l'ours. Une autre fois, elle s'assied au bord de l'eau et trempe ses pieds dans la rivière, fraîche. L'actrice, avec une infinie gentillesse, accepte aisément de rencontrer tous ses fans et confie même quelques mots à un journaliste local. « J'ai pris beaucoup de plaisir à tourner ce nouveau rôle et, surtout, je suis enchantée de me trouver dans une région si agréable et quasi reposante. » Et, joignant le geste à la parole, elle en profite pour faire une ample provision de menthe sauvage, d'iris jaune… et de trèfles à quatre feuilles. Les gendarmes de Magny et de Chérence assuraient pendant cette cueillette une discrète surveillance afin d'écarter les admirateurs.
L'Ours et la poupée sort en grandes pompes le 4 février 1970. En pleine promo, Brigitte Bardot rejoint Lino Ventura en Andalousie pour les besoins de
Boulevard du rhum (Robert Enrico, 1971) puis Claudia Cardinale, sa consœur des Pétroleuses (Christian-Jaque, 1971). Ensuite, elle retrouve Nina Companeez pour
L'Histoire très bonne et très joyeuse de Colinot trousse-chemise<<<<<<. Sorti sur les écrans le 25 octobre 1973, cette comédie est le premier long-métrage en tant que réalisatrice de Companeez et le dernier film de Brigitte Bardot. Après 21 ans de carrière, près de cinquante films et quatre-vingt chansons, n'en pouvant plus de cette sur-médiatisation et du cinéma, elle se retirera définitivement du septième art.