Fils de l'écrivain Georges Duhamel (1884-1966) et de la comédienne Blanche Albane (1886-1975), Antoine Duhamel (1925-2014) grandit entre Paris et le hameau de la Naze, à Valmondois. Dans le jardin, Blanche met en scène des spectacles, recrute ses enfants, nièces et neveux comme comédiens, engage les voisins comme figurants, taille et coud les costumes de tout ce petit monde. Son mari anime les chœurs et joue les chefs de l'orchestre amateur qu'il a monté.
En 1947, Antoine écrit une musique pour un court-métrage d'Alain Resnais (1922-2014),
Visite à Hans Hartung, mais, faute d'argent, le réalisateur ne l'intègre pas. Dix ans plus tard, le jeune homme, qui gagne sa vie en travaillant pour des films publicitaires et des dessins animés, enregistre avec Gérard Philipe (1922-1959) un
Mozart raconté aux enfants.
La reconnaissance arrive avec Claude Barma (1918-1992) qui lui demande la bande-son du
Chevalier de Maison-Rouge (1963), premier grand feuilleton diffusé sur l'ORTF, puis réitère pour
Belphégor ou le Fantôme du Louvre (1965) et
D'Artagnan (1969).
Jean-Daniel Pollet, cinéaste poète proche de la Nouvelle Vague, lui confie la musique de
Méditerranée (1963) et Jean-Luc Godard, celle de
Pierrot le fou (1965).
« Karina voulait que j'écrive les chansons (…), Godard voulait un twist, Belmondo, qu'on siffle “Tout va très bien, Madame la Marquise” (…) Godard m'a ensuite proposé de travailler sur deux ou trois thèmes, dans le genre de Schumann (…) En lisant le scénario, j'ai compris ce qu'il voulait dire : il voulait un personnage clivé, double, Pierrot versus Ferdinand (…). Je voulais donc introduire une schize, avec un thème Pierrot nettement différencié du thème Ferdinand, mais proche cependant musicalement. »
Entretien avec Joël Jegouzo, mai 2012
Pour Godard, Duhamel écrit encore les notes de
Week-end (1967). Pour Truffaut, celles de
Baisers volés (1968), de
La Sirène du Mississipi, de
L'Enfant sauvage (1969) et de
Domicile conjugal (1970). Il s'amuse à pasticher le
Boléro de Ravel pour
Belle époque de Fernando Trueba (1994), et… le thème de
Pierrot le fou pour
La Mort en direct (1980) de Bertrand Tavernier. Leur amitié s'est nouée avec
Que la fête commence (1975), quand il a orchestré un opéra inédit de Philippe d'Orléans, personnage principal du film, interprété par l'orchestre de La Grande Écurie et la Chambre du Roy.
Personnalité excentrique, exigeante et chaleureuse, Antoine Duhamel a composé la bande-son de quelque 80 films, ainsi que plusieurs opéras et symphonies. Sa partition pour
Laissez-passer (Bertrand Tavernier, 2002) lui a valu l'Ours d'argent de la Berlinale et un Prix Henri-Langlois d'honneur décerné lors de l'hommage que lui a rendu la Cinémathèque française en 2008.