Jusqu'en 1994, le compositeur Michel Legrand a résidé au domaine de Monbrun, à une centaine de mètres du Novotel de Maffliers. Très attaché à cette région, il s'est longtemps partagé entre cette petite commune du Val-d'Oise et la Suisse, son pays d'adoption.
S'il s'est longtemps fait remarquer pour ses inoubliables musiques de films de Jacques Demy (
Les Demoiselles de Rochefort, Les Parapluies de Cherbourg, Peau d'âne) ou celles d'
Un Eté 42 et de
Yentl, Michel Legrand est avant tout un compositeur de musiques multiples :
« Depuis mon enfance, mon ambition est de vivre complètement dans la musique. Mon rêve est que rien ne m'échappe. C'est la raison pour laquelle je ne me suis jamais arrêté à une seule discipline musicale. J'aime jouer, diriger, chanter, écrire, et ce dans tous les styles. Je fais donc tout… et pas un peu de tout. Au contraire, je mène de front ces activités profondément, gravement et sérieusement. »
Après plusieurs années d'étude sous la férule de Nadia Boulanger, Henri Challan ou Noël Gallon, Il sort du Conservatoire avec notamment des premiers prix d'harmonie, piano, fugue et contrepoint. Immédiatement, il devient accompagnateur de Jacqueline François, Henri Salvador… avant d'être choisi par Maurice Chevalier qui lui fera connaître les Etats-Unis.
Sa première est de film, il la compose en 1955, pour
Les Amants du Tage, d'Henri Verneuil. A l'avènement de la Nouvelle Vague, il collabore avec Jean-Luc Godard, Agnès Varda, François Reichenbach et, bien sûr, Jacques Demy.
Les Parapluies de Cherbourg (Palme d'or, Prix Louis Delluc) triomphe dans le monde entier, contrairement aux prévisions de nombreux professionnels :
« Jacques et moi avons vraiment ramé pour monter ce projet, raconte-t-il aujourd'hui. Les producteurs nous reconduisaient à la porte en nous disant : Vous êtes deux jeunes garçons très sympathiques. Mais comment voulez-vous que les gens restent une heure et demi voir des personnages chanter les banalités de la vie !. Ça les effrayait de financer un film où le chant se substituait à la parole. »
Finalement, c'est grâce aux concours de Pierre Lazareff et de Francis Lemarque que le projet pourra voir le jour.
Michel Legrand a travaillé avec quelques uns des plus grands réalisateurs comme Orson Welles, Marcel Carné, Clint Eastwood, Norman Jewison, Sydney Pollack, Robert Altman, Jean-Paul Rappeneau, Joseph Losey, Louis Malle, Andrzej Wajda, Richard Lester, Claude Lelouch… et obtient trois Oscars.
« Un Oscar, souligne-t-il avec conviction, c'est un bon point, une caresse, un bout de sucre. Mais, fondamentalement, ça ne vous fait pas composer mieux ou moins bien, ça ne change rien à vos qualités ou défauts. Enfant, je rêvais d'avoir un pot de graisse au pouvoir très particulier ; après y avoir trempé mes doigts, j'aurais eu la technique de Horowitz. Hélas, les statuettes des Oscars ne sont pas en graisse ! (rires) De toute façon, l'essentiel est ailleurs : c'est pour et grâce au cinéma que j'ai écrit toutes ces musiques. Sans lui, elles n'existeraient pas. »
En 1995, invité dans le cadre du Festival de musique d'Auvers-sur-Oise, c'est tout un public éberlué qui le voit arriver au pied de l'église en solex. Derrière cette apparente simplicité se cache un grand professionnel qui a signé plus de 150 musiques de films, 2 films comme metteur en scène, près de 200 albums, et a obtenu 3 Oscars et 5 Grammy Awards.
Michel Legrand est mort le 26 janvier 2019 à Neuilly-sur-Seine.