L'histoire des Années Super 8 prend pied en 1972, date à laquelle Philippe Ernaux, alors marié à Annie Ernaux, se procure une caméra. Pas n'importe laquelle : une caméra Super 8, du nom du format de film prisé des cinéastes amateurs.
Moins onéreuse que ce qui se faisait sur le marché, l'acquisition d'un tel objet n'était pas pour autant permise (financièrement parlant) à tout le monde. Et Annie Ernaux, d'emblée, le formule. Cette acquisition était, selon elle, le signe de son appartenance récente, à elle et son mari, à la bourgeoisie. Les très nombreuses images documentant leur nouvel appartement à Annecy et sa décoration illustrent ces mots. C'est une porte d'entrée sur un thème central de l'œuvre de celle qui, comme dans La Place, se définit comme transfuge de classe.
« Ces films étaient stockés dans un tiroir depuis des années et on les avait un peu oubliés, confiait Annie Ernaux à l'AFP, en marge du Festival de Cannes. Un jour, nous les avons regardés avec mes fils et mes petits-enfants. C'est là, de fil en aiguille, que David m'a proposé d'en faire un film sur lequel j'accolerais un récit. »
Les séjours organisés du couple Ernaux tiennent un rôle de premier plan dans le récit. Et pour cause, ils sont le reflet d'une époque, celle de la fin des trente Glorieuses et de la place grandissante de la consommation de masse et des voyages. « En soi, ça ne m'intéresse pas de raconter ma vie, mais plutôt de voir ce que peut représenter une vie parmi d'autres, a-t-elle expliqué à l'issue d'une projection à Cannes. Montrer ce que pourrait être une existence dans un temps donné. »