Gérard Blain est mort le 17 décembre 2000 à l'âge de 70 ans. En mars de l'année précédente, lors de la sortie sur les écrans français de son dernier film,
Ainsi soit-il, il s'acharnait à répéter qu'il allait "bientôt crever".
Ainsi soit-il ! Titre testamentaire, même s'il s'en défendait, legs d'un cinéaste au crépuscule de sa vie d'artiste à ses cinq fils et à leurs mères. Dans ce film, son aîné, Paul, y joue le rôle d'un fils qui venge son père, employé d'une entreprise de travaux publics, retrouvé assassiné. Vengeance pour un père que lui, Gérard, n'aura jamais connu.
En 1955, Julien Duvivier le découvre dans un bistrot près des Champs-Elysées et lui confie, avec l'aval de Gabin et contre l'avis de la production, un premier rôle dans
Voici le temps des assassins. C'est déjà un écorché vif, un jeune adolescent tourmenté, indépendant et rebelle.
François Truffaut (
Les Mistons) et Claude Chabrol (
Le Beau Serge) lui offrent ses premiers personnages marquants.
« Gérard draguait les filles partout dans les rues, dans les cafés, même au téléphone, écrivait son ami Jean-Claude Brialy. Il lui arrivait d'ouvrir l'annuaire et de poser au hasard son doigt sur une page. S'il tombait sur un prénom féminin, il appelait et disait : "Allô Sabine, c'est Gérard Blain, est-ce que vous voulez venir prendre un verre avec moi ?" Le plus incroyable, c'est que neuf fois sur dix, ça marchait ! »
En 1958, Claude Chabrol l'emploie de nouveau pour
Les Cousins, encore avec son pote Brialy. Le réalisateur tourne deux fins différentes, l'une gaie, l'autre triste. Gérard et Jean-Claude préfèrent la seconde.
« Nous la trouvions belle, romantique, audacieuse, justifiait Brialy. Un coup de feu meurtrier qui partait sur du Wagner, c'était beau comme un opéra ! Trop pour le producteur, qui aimait mieux nous voir courir, réconciliés dans les champs de blé d'Auvers-sur-Oise ! Nous tournâmes cette fin optimiste, que nous jugions un peu bébête mais que Chabrol aimait bien. Puis Blain et moi menâmes une véritable guerre des nerfs à Chabrol pour qu'il accède à notre vœu. Il ne le regretta pas, cette fin étant la grande scène du film, celle dont on me parle encore aujourd'hui, fin ambiguë qui suscite toutes les interprétations possibles. »
Un peu plus tard, Gérard Blain préfèrera se détourner de cette génération appelée par Françoise Giroud, la Nouvelle Vague. Il se rapproche de l'Italie pour y interpréter plus d'une quinzaine de rôles et revient régulièrement à Auvers-sur-Oise pour rendre visite à son ami Charles Matton, peintre et cinéaste. A Auvers, l'acteur se promène dans les champs de blé avec sa troisième épouse, Monique Sobiewsky et fréquente aussi l'auberge Van Gogh, chez Roger et Micheline Tagliana :
« Il avait une petite guenon qui était folle amoureuse de ma mère », se souvient leur fille Régine. « Après les spectacles, il venait dîner à l'auberge avec tous ses amis et, lorsque ma mère sortait de la cuisine, la guenon traversait toute la salle et se jetait dans ses bras. »