Mercredi 22 juillet 1959, 15h, place de la gare à Pontoise. Un officier allemand, valise de cuir à la main, pénètre dans la salle d'attente de la gare. Sur les trottoirs, au milieu des camions débordant de fils, de spots et de travellings, des gens se pressent. Deux dames :
« Qu'est-ce qui se passe ?
- Ils tournent un film sur l'occupation. Dans la gare, c'est plein de soldats vert-de-gris ! ».
C'est ainsi que François Villiers (le frère de Jean-Pierre Aumont) commence les prises de vue de son troisième film,
La Verte Moisson, entièrement tourné à Pontoise. L'histoire est adaptée d'un scénario de Rémo Forlani : Un aumônier, interprété par Pierre Dux, se souvient en 1958 des années de guerre et raconte l'histoire de jeunes lycéens de première, pendant l'occupation, qui décident de commettre un attentat contre les Allemands. Ils font sauter un bâtiment nazi. Accusé, leur professeur de chimie est arrêté. Pour le délivrer, les résistants désirent se procurer des armes et tuent un motocycliste allemand. Les représailles sont instantanées : les jeunes sont tous interpellés et deux d'entre eux sont fusillés.
Ce récit est inspiré de faits réels s'étant déroulés à Paris, à l'initiative de jeunes résistants du lycée Buffon. La coïncidence est troublante puisque Pontoise a vécu une histoire semblable avec Jean-Claude Chabanne, Pierre Butin et le « Club des Cadets de France », groupe de jeunes résistants dénoncé et arrêté le 16 décembre 1941.
La Verte Moisson est un formidable témoignage de ce qu'était Pontoise à la fin des années cinquante et c'est ainsi que la pellicule révèle combien, au-delà d'une intrigue, un film est aussi un magnifique lieu de mémoire, un document historique et sociologique.
D'autres comédiens débutants entourent Claude Brasseur : Jacques Perrin, Jacques Higelin et Dany Saval.
A Pontoise, le magasin de vêtements d'enfants « Le Petit Paris » devient pour la circonstance la boutique d'un coiffeur et des affiches de l'époque ornent le rideau baissé de la bijouterie Allion. La mairie se transforme en façade du collège Jean-Jacques Rousseau et l'école Notre-Dame de la Compassion abrite la Kommandantur. Certains n'ont pas oublié non plus le directeur de la photographie, Paul Soulignac, attendant le retour du soleil, assis sur une gargouille de la cathédrale Saint-Maclou afin de réaliser une scène qui se déroule rue Thiers.
Quant au comédien Sylvain Joubert, il était un jeune figurant lors de ce tournage :
« Je me souviens de cette période comme un moyen de faire du chahut. On avait tous fait de la figuration et le « Surgé » essayait de nous tenir tranquille. En même temps, on se sentait investi par le drame que des jeunes de notre âge avaient vécu pendant la guerre. Chaque fois que je prenais la rue Pierre Butin, ça me disait quelque chose. »
Trois mois plus tard, le 3 décembre 1959, une projection du film est proposée en avant-première au cinéma « Le Royal », au profit de la Société des Amis des vieux de Pontoise. Francis Lemonier, Claude Brasseur, Dany Saval et François Villiers assistent à la représentation et répondent aux questions de Max-André Lambert. A l'entracte, un autre film de François Villiers est projeté aux spectateurs, L'eau vive, en présence du comédien Charles Blavette. A la fin de la soirée, le cinéaste remercie très chaleureusement les Pontoisiens pour leur accueil tout en s'excusant d'avoir troublé leur vie quotidienne durant le tournage et promet de revenir à Pontoise pour faire un autre film (chose qui ne se fit malheureusement pas).
Une petite réception suivit, au Grand Cerf, à Saint-Ouen-l'Aumône, organisée par le Royal.
A noter que la toute fin du film, représentant des champs de blé à perte de vue, a été réalisée à Ennery, sur la route d'Hérouville.
Jacques Higelin, qui joue le rôle de l'un des lycéens, reviendra trente ans plus tard à Pontoise pour un concert au Théâtre des Louvrais, le 18 octobre 1989. Il dinera dans la toute nouvelle K'fête 95, gérée par Patrick Ledreux. Le célèbre chanteur, n'ayant pas un sou en poche acceptera de devenir le parrain du lieu en échange de sa consommation, séduit aussi par la qualité du projet.