« La pieuvre est la manifestation physique des sentiments naissants de l'adolescence, ce monstre de désir et de jalousie au creux du ventre quand on s'éveille au désir, à la sexualité, quand on commence à tomber amoureux », explique Céline Sciamma en introduisant la projection au Royal Utopia de Pontoise. « À cet âge-là, tous les désirs sont inassouvis ou invivables. »
La réalisatrice a grandi à Cergy, au Brûloir, aux Châteaux et à Port-Cergy. La ville devient tout naturellement le cadre de son histoire, l'enjeu étant de trouver un équilibre entre la vraie personnalité d'un lieu et la mise en scène qu'on peut créer autour.
« Visuellement, c'est une ville-champignon qui a grandi au gré des projets d'architectes, qui propose des assemblages de lieux assez improbables et des ambiances qui poussent à la stylisation. Cela donne un patchwork de lieux assez étrange (...) On ne sait pas où on est, les petits lotissements en brique rouge évoquent plutôt certaines banlieues américaines ou l'Europe du Nord. »
Le soutien de la ville et de l'agglomération lui ouvre les lieux qui l'intéressent. C'est notamment le cas de la piscine de la préfecture, où s'exerce l'un des clubs de natation synchronisée les plus performants d'Europe.
« À l'adolescence, j'ai assisté par hasard à un gala de natation synchronisée qui m'a fait une très forte impression, sans que j'arrive vraiment à discerner pourquoi (…) Au bout de quelques jours, je me suis aperçue que j'étais impressionnée par des filles qui, au même âge que moi, étaient déjà dans la concrétisation et dans la prouesse. Et moi je n'étais, au mieux, qu'une promesse. Je trouve que c'est une situation assez exemplaire de ce qu'on peut ressentir à l'adolescence, c'est-à-dire une sorte de malentendu avec ses désirs. »