En banlieue parisienne, un quartier de Sarcelles est appelé "La Petite Jérusalem" car de nombreux juifs s'y sont installés. Laura (Fanny Valette) a 18 ans. Elle est tiraillée entre son éducation religieuse et ses études de philosophie, qui la passionnent et lui offrent une autre vision du monde. Alors que sa soeur Mathilde (Elsa Zylberstein) tente de redonner vie à son couple, Laura succombe à ses premières émotions amoureuses...
Premier long métrage de la réalisatrice Karin Albou,
La Petite Jérusalem a le mérite de s'attarder sur la communauté juive de banlieue, loin de celle stéréotypée du Sentier, à Paris, véhiculée habituellement par le septième art. Ce film pose la question brûlante de la place de la religion dans notre société, à mi chemin entre tradition et modernité. Karin Albou nous fait suivre le chemin de deux soeurs aux parcours distincts, où l'une privilégie la Loi hébraïque et l'autre la liberté.
« Je me souviens de mes propres sentiments à cet âge là, raconte la réalisatrice, de ce désir de tout rationaliser pour avoir l'illusion de dominer mes instincts. J'ai essayé de laisser le sens le plus ouvert possible pour donner un espace au spectateur, qu'il crée ses propres interprétations et que l'écran devienne un miroir. Ce n'est pas un film didactique ou idéologique. Je ne donne pas de définition précise de la liberté : chacune des deux femmes part de certitude et entre dans le questionnement. »
La Petite Jérusalem diffère des films de banlieue classiques. Karin Albou démonte le mythe du Beur des cités, en s'attachant cette fois à suivre une famille de Juifs Séfarades qui se sont installés à Sarcelles, là où l'on a regroupé des immigrés quelle que soit leur religion.
Loin du parti pris d'Henri Verneuil dans
Mélodie en sous-sol, où Gabin est horrifié de voir sa campagne contaminée par la Sarcellite et transformée en un nouveau New York, elle filme Sarcelles telle qu'elle est, avec ses diversités ethniques bien sûr, mais sans misérabilisme.
Dès le générique, la ville apparaît, vue du ciel, comme dans un documentaire à dimension sociologique. Puis, les plans se resserrent sur cette famille mono-parentale, où la mère est un peu absente, perdue entre son exil et son veuvage. Alors, c'est l'aînée - excellente Elsa Zylberstein - qui incarne la Loi au sein de la famille.
« J'ai voulu que la sobriété du décor, tout en angles et en lignes, traduise la psychologie des personnages, continue la cinéaste. Que la couleur du film, dans les intérieurs, tire vers le noir et blanc pour que les peaux apparaissent comme les seules tâches de couleur »
Tourné dans de multiples lieux de Sarcelles, comme l'école Marius Delpech, la salle municipale Pablo Neruda, le centre sportif Nelson Mandela, le Point d'accueil écoute-Jeunesse et Les Restos du cœur,
La Petite Jérusalem est un joli film particulièrement sensible.