L'ouverture des premières salles Utopia s'est faite en Avignon, en 1976, à l'initiative de deux excentriques : Anne-Marie Faucon et Michel Malacarnet. Ils s'encadrent de bons copains pour trouver de l'argent et des bras costauds et, en quelques mois, les premières salles voient le jour (ou plutôt, l'obscurité !). Devant le scepticisme des voisins qui ne peuvent croire en un tel projet, le nom d'Utopia s'impose. La réussite n'est pas utopique et encourage même les deux forcenés à se développer. Plusieurs salles s'installent à Toulon, Saint-Rémy-de-Provence, Valence, Paris ou Riom (près de Clermont-Ferrand), ou même dans les locaux d'un curé d'Aix. Un jeune assistant social du tribunal de Clermont, spectateur assidu à Riom, rencontre Anne-Marie et Michel lors d'un séjour à Cannes et le duo devient trio : Patrick Troudet quitte tout et devient programmateur de la salle de Valence. Mais, le fonctionnement de ces multiples salles devient trop lourd et plusieurs ferment pour permettre l'ouverture d'autres : Riom et Valence laissent la place à Saint-Ouen-l'Aumône – qui ouvre en octobre 1987, sous la direction de Patrick Troudet, puis de Caroline Lonqueu - et Paris passe le témoin à Toulouse. Aujourd'hui, seules les salles d'Avignon, Bordeaux, Toulouse ou Saint-Ouen l'Aumône-Pontoise subsistent. Chacune étant gérée indépendamment des autres.
C'est dans sa programmation qu'Utopia affiche sa singularité : L'équipe refuse catégoriquement de diffuser des films qui ne présentent, pour elle, aucun intérêt cinématographique. Cette ligne est la clé de voûte d'Utopia, et elle n'a guère changé depuis les débuts.
L'outil principal de la communication Utopia : la Gazette. Ce journal de format A4 qui nous présente les programmes sur 5 semaines et les films qui s'y rattachent, est en papier recyclé afin d'éviter un coût de fabrication trop important, mais aussi parce que cette simplicité est un point d'orgue de la politique « utopienne ».
Les deux couvertures, qui permettent de prendre le bulletin dans les deux sens, obligent, il est vrai, à devoir le retourner pour continuer la lecture. Si ce système perturbe le lecteur car il tombe souvent sur la liste des programmes à l'envers, il offre néanmoins à l'équipe la possibilité de mettre l'accent sur deux films au lieu d'un.
Nombre de fauteuils : 516 - Nombre de salles : 5
Comme pour les logos des studios américains (Columbia, Universal, MGM, etc.), le logo d'Utopia a le mérite d'être explicite et résume en quelques signes la conduite générale menée par les propriétaires. Tout d'abord, le titre même d'Utopia nous révèle combien l'entreprise d'Anne-Marie Faucon et Michel Malacarnet était fondée sur un rêve presque illusoire d'un cinéma de qualité, en dehors des grandes distributions et des grands groupes financiers. Ensuite, l'inscription en latin « Ignoti nulla cupido » qui signifie plus ou moins « On ne peut désirer ce que l'on ne connaît pas », nous rappelle combien les programmateurs veulent avant tout nous faire découvrir des films de réalisateurs peu connus, en dehors des sentiers battus. Un sémiologue mettrait sans doute en évidence la ressemblance entre le logo d'Utopia et ceux des grands studios américains des années trente : le recours à un passé mythique par l'utilisation fréquente du latin (ignoti nulla cupido pour Utopia, ars gratia artis pour la MGM, ou d'un pseudo latin pour Columbia), ou par une image inscrite dans l'histoire (anges renaissants venus du ciel pour Utopia, édifice biblique pour la Twentieth Century Fox). En fait, cette similitude, sûrement voulue, traduit un goût certain pour l'Art Déco et veut renforcer l'aspect désuet et vieillot de leur cinéma, comme pour l'inscrire dans une certaine simplicité. Les anges qui nous observent dans les salles, les portraits jaunis de personnes inconnues qui trônent sur les murs, ou cette gazette de papier recyclé que l'on peut manier et triturer dans tous les sens, sont là pour renforcer cette image démodée et surannée, pour nous prouver que l'équipe avance dans la chaleur de la tradition.