Pour ce dimanche à la campagne de l'été 1912, Bertrand Tavernier, qui souhaite renouer avec la sensualité de
Partie de campagne (Jean Renoir, 1936), veut que ses personnages fassent corps avec le décor dont il rêve. Mais celui-ci n'est pas facile à trouver et les repéreurs doivent arpenter toute l'Île-de-France avant de découvrir le lieu ad hoc à Villiers-en-Arthies : le domaine du Grand-Saint-Léger est un ancien pavillon de chasse construit en 1835 pour le roi des Belges Léopold I
er ; il aligne… une véranda, une marquise sur la terrasse, un jardin potager, un petit pont, de superbes communs et de multiples recoins.
« À priori, je préfère les décors naturels », explique le metteur en scène. « Sur Un dimanche, j'ai ressorti mes souvenirs d'enfance. Les volets qu'on ferme, les bruits qu'on entend au dehors. Ce sont des choses qui me touchent. (…) J'ai beaucoup embêté mes assistants pour le choix de la maison : je ne voulais pas tourner dans une maison claire. Il a fallu que je change légèrement l'ouverture du film car j'avais écrit une scène où M. Ladmiral traversait un long corridor avec ses souliers à la main. Mais, on n'a pas trouvé de corridor. C'est en fonction des décors, par contre, que j'ai eu l'idée du premier et du dernier plan : ce travelling avant vers l'arbre doré. Le décor a imposé sa structure au scénario. »
Pendant six semaines, l'équipe navigue de Villers-en-Arthies à Villarceaux ou à Wy-dit-Joli-Village. L'enjeu est en effet de recréer l'atmosphère picturale de la Belle Époque en conjuguant la palette solaire de Pierre Bonnard avec les scènes intimistes d'Édouard Vuillard et les ambiances champêtres d'Auguste Renoir, où les explosions de vie « n'arrivent pas à cacher la mélancolie du souvenir ». Mais, conserver en automne une lumière unie sous le ciel capricieux du Vexin relève du défi et l'aérodrome de Chérence est mis à contribution pour faire un point météo toutes les heures :
« 33 jours passés à jongler entre l'extérieur et l'intérieur, à guetter les caprices du soleil, cela réclame une concentration extrême ! » résume le chef opérateur.
Cette équipe vit en parfaite autarcie. De temps en temps, l'un ou l'autre de ses membres pousse la porte de la crêperie-brocante de Villers mais, son ancien propriétaire en est sûr :
« Encore aujourd'hui, les habitants de Villers-en-Arthies ne savent pas que ce film a été tourné ici ! »