Dans un crissement de pneus raclant le goudron de la Nationale 14, une voiture s'immobilise sans douceur. Affolé, son chauffeur descend et interpelle des badauds : « Que se passe-t-il, il y a un accident ? »
Le Chantier de l'Avion, du nom d'un vieux biplan acquis au Bourget qui dresse son empennage vers le ciel, sert en fait au grand réalisateur Georges Franju qui, pour les besoins de son film
La Tête contre les Murs, doit investir ce décor de tôles froissées, le mardi 17 juin 1958. L'histoire : deux fous tentent de s'évader d'un asile dans lequel deux médecins ont des thérapies opposées.
Le propriétaire des lieux, M. Gonzalès expliquait, à cette époque, le choix du metteur en scène pour cet endroit particulier :
« A la Garenne où j'habite, des amis m'ont indiqué que M. Franju, le metteur en scène, recherchait pour son prochain film, un cimetière à voitures. J'ai pensé que Le Chantier de l'Avion conviendrait. »
Après de multiples tentatives, Franju tourne enfin. Il est 23 h, la caméra ronronne. Les deux fous interprétés par Charles Aznavour et Jean-Pierre Mocky montent dans la cabine d'un camion. Au troisième essai, la scène est bonne. A la suivante, on tournera jusqu'au petit jour.
« Je me souviens, racontait Patrice Molinard, le beau-frère du réalisateur, que Pierre Brasseur, qui ne tournait pas ce soir là car il était doublé, Franju et moi avons bu toute la nuit. Nous nous sommes payés une cuite mémorable ! »