Jeanne-Fusier, née en 1885 à Paris et morte en 1973 à Maisons-Laffite, a habité très longtemps à Grisy-les-Plâtres.
« Mes parents allaient souvent à Epiais-Rhus où mon père qui était peintre avait de nombreux amis, raconte son fils François Gir. Il y avait un bistrot restaurant tenu par des Bretons et les artistes du coin venaient souvent. Mes parents ont acheté cette maison en 1929 et mon père a utilisé la grange et les écuries pour faire son atelier. Elle était heureuse que ses enfants puissent vivre à la campagne et j'ai ainsi fait mes études au collège communal de Pontoise. Ici, elle s'occupait souvent de son jardin et aimait s'y reposer. Saturnin Fabre venait souvent. C'était amusant car il avait une voiture de maître avec l'avant séparé de l'arrière et il conduisait cette automobile tout seul, une casquette sur la tête. »
Le premier succès, Jeanne le doit à son insu lors d'une représentation théâtrale dans la grande salle du Trocadéro, le 27 avril 1892. Son père, comédien réputé n'a pu se présenter sur la scène, quelqu'un apparaît, une dépêche à la main :
« Impossibilité de jouer. Excusez-moi. J'ai passé deux nuits blanches. Ma fille Jeanne vient de faire son entrée dans le monde. Signé Fusier-Gir ».
Les applaudissements crépitent.
Aux côtés de Firmin Gémier, qui l'a souvent conseillée, elle interprète de nombreux classiques au théâtre, puis devient une des actrices favorites de Sacha Guitry.
« J'ai connu Guitry quand j'avais seize ans. Il en avait à peine d'avantage et il vint au cours d'art dramatique où je travaillais. Tout de suite, je compris qu'il ne venait pas pour apprendre à jouer, mais prospecter pour découvrir de futurs interprètes. Je lui donnais la réplique de Suzanne dans le Mariage de Figaro, et ce n'est que plusieurs années plus tard qu'il me donna le petit rôle d'une bonne abrutie qui téléphonait au troisième acte de l'Illusionniste : une "panne" qui me lança. »
Des rôles de bonnes et de vieilles filles, elle en joua beaucoup, entrant souvent en concurrence avec sa rivale chez Guitry, Pauline Carton :
« Pour gagner sa vie, c'est une grande chance que d'être comique. Je le suis et, finalement, c'est à ce don que je dois ma carrière. »
Dans ce registre de servante cocasse, elle tourne avec Guitry :
Le Destin fabuleux de Désirée Clary,
Donne moi tes yeux,
La Malibran,
Le Diable boiteux,
Toa,
Le Trésor de Cantenac,
Tu m'as sauvé la vie,
Debureau,
La Poison...
Mais, Jeanne Fusier-Gir ne joue pas que ces interprétations limitées. Elle est, par exemple, une fabuleuse Mademoiselle Cremier, libraire nymphomane tournant autour de Bernard Blier dans
Marie-Martine. Elle participe à des films prestigieux :
Un Carnet de bal,
Marie-Octobre (Duvivier),
Le Corbeau,
Quai des Orfèvres,
Miquette et sa mère (Clouzot),
Le Trou normand (Boyer),
Falbalas (Becker),
Le Jardinier d'Argenteuil (Le Chanois).
« Elle s'épanouissait beaucoup à Grisy, continue François Gir. Elle était très pieuse et très fervente. Ici, dans sa petite balade du dimanche matin, une vieille dame avec un ruban autour du cou et un chapeau venait la prendre au passage. C'était sa manière de vivre à Grisy. Sacha Guitry l'appelait Ma petite folie. Il disait toujours qu'il faudrait créer un personnage, pour les pièces qu'elle jouait, afin de la suivre partout car elle perdait toujours quelque chose. »
Un jour, son ami Maurice Yvain lui propose une berceuse qui devient, par un concours de circonstances,
Mon homme ou
L'étrange Valse. Chantée par Mistinguett, cette berceuse a fait le tour du monde. A propos de Mistinguett, Jeanne Fusier-Gir raconte d'ailleurs une touchante anecdote :
« Aux obsèques de Miss, la chaisière est venue vers moi et m'a dit :
- Vous aurez le même enterrement
- Oh non, protestai-je. D'ailleurs, il aura lieu à Auvers-sur-Oise.
- Non, madame Fuzier-Gir, répondit la chaisière décontenancée, vous ne nous ferez pas cela ! »
En 1973, Jeanne Fusier-Gir décède, trois jours avant son quatre-vingt-unième anniversaire. L'enterrement n'a pas lieu à Auvers-sur-Oise mais, bien sûr, à Grisy-les-Plâtres...